Quel est l'impact environnemental des OGM Roundup-Ready?
Ce billet est né d'une brève discussion sur le blog de Timothée au sujet des OGM Roundup-Ready. Comme nous étions un peu hors-sujet et que ça menaçait de devenir long, je commence ici une première ébauche de tentative de synthèse sur la question.
La majorité des OGM cultivés aujourd'hui sont des plantes résistantes à un herbicide, dont les OGM dits "Roundup-Ready" (RR), commercialisés par... Monsanto, bien sûr! Le Roundup, c'est le nom commercial d'un herbicide total qui a fait la fortune de la célèbre firme d'agrochimie: le glyphosate. Cette molécule s'attaque à tous les végétaux, sauf ceux qui disposent du bon gène de résistance (codant pour une enzyme modifiée) que l'on peut introduire dans n'importe quelle plante. Le mode d'emploi est simple: sur une culture de ces OGM résistants, on pulvérise du Roundup qui éliminera toutes les mauvaises herbes, mais sans toucher à la plante cultivée (ni à l'os de Rex). Ces OGM constituaient pour Monsanto une parade à l'expiration de son brevet sur le glyphosate: la molécule est certes tombée dans le domaine public, mais ceux qui voudraient bénéficier des OGM "Roundup Ready" sont censés utiliser le Roundup commercial de Monsanto...
Deux arguments spécifiques aux OGM RR reviennent fréquemment:
-Monsanto fabrique des OGM pour vendre ses herbicides et non pour nourrir le monde (Satan! sors de cette entreprise!)
-ces mêmes OGM encouragent par définition l'utilisation d'un herbicide supplémentaire dont la planète se passerait bien.
Je me permettrais de balayer le premier argument d'un revers de la main aussi désinvolte qu'esthétique. Au risque d'arracher MMR et consorts à leur douce rêverie, le but d'une entreprise est de gagner de l'argent. Nokia ne vend pas des téléphones portables pour relier les gens entre eux ("connecting people"), mais pour faire des bénéfices. Les fabricants de machines à café ne vendent que des capsules compatibles avec leur machines. Votre boulanger du coin ne fait pas du pain pour que vous le mangiez, mais pour vous le vendre. Que Monsanto prétende nourrir la planète avec ses OGM, c'est un mensonge (du marketing? de la com'?) qui n'engage que ceux qui y croient (et probablement pas leurs clients). Monsanto est un semencier, pas une ONG, qui peut exploiter ses brevets jusqu'au trognon si ça lui chante; après tout, le client n'achètera ses produits que s'il y trouve son compte.
Le deuxième argument m'intéresse plus, dans la mesure ou il reste dans la sphère du factuel: l'utilisation des OGM Roundup Ready serait nocive pour l'environnement, du fait de l'utilisation accrue de pesticides. Les plantes "ordinaires" que l'on cultive sont traitées avec plusieurs herbicides, dirigés contre les crucifères, les graminées, que sais-je encore, à des moments bien précis. Le Roundup, lui, a une propriété cruciale: c'est un herbicide total. On peut donc l'utiliser à la place de plusieurs autres herbicides. Quand on lit ces propos rapportés chez Marie-Monique Robin, "Avant l’arrivée du soja RR, l’Argentine consommait une moyenne annuelle d’un million de litres de glyphosate, renchérit Walter Pengue. En 2005, nous sommes passés à 150 millions de litres !", on se dit que bien sûr, les agriculteurs n'allaient tout de même pas épandre du Roundup sur des cultures sensibles, et on se demande quels autres herbicides sont remplacés par les 150 millions de litres de glyphosate.
Pour résumer, ce type d'OGM encourage l'emploi de pesticide, tout en rendant d'autres pesticides superflus. Ceci pose une question simple: la Terre est-elle plus heureuse avec ces OGM "Roundup Ready" arrosés de glyphosate seulement, ou avec des cultures conventionnelles traitées par plusieurs herbicides? Quel est le bilan global, écologie et pourquoi pas économique, de l'utilisation de ces OGM?
J'ai donc fait un petit tour rapide de la littérature scientifique (dont en général seuls les résumés me furent accessibles). Pour commencer, cet article nous apprend que l'adoption des OGM RR, malgré le prix plus élevé des semences, a permis aux agriculteurs des USA d'économiser 1,2 milliards de dollars (!), notamment sur le labour et les autres herbicides, la consommation totales d'herbicides ayant elle diminué de 16 000 tonnes. Problème: l'auteur de cet article est indirectement financé par des industriels de l'agrochimie, ce qui ne me pose pas problème en soi, mais qui ne convient pas à un débat objectif. Dans une étude française publiée en 2007 par une scientifique de l'INRA (soit de la recherche publique), centrée sur le soja et résumée ici, l'auteur expose les conclusions suivantes: la culture de soja RR a permis dans un premier temps de réduire la consommation d'herbicides, consommation qui a ensuite augmenté de nouveau pour dépasser les niveaux de 1996... mais parce que le glyphosate est beaucoup moins polluant que d'autres herbicides, le bilan écologique (relatif à l'emploi de pesticides) de ces OGM est encore positif. En effet, par rapport aux autres pesticides, le glyphosate est réputé très peu toxique pour les animaux, s'accumule peu dans le sols et dans les eaux, même si son effet sur les microbes du sol reste encore mal connu. C'est aussi la conclusion de cette étude belge publiée en 2007, qui affirme que la culture de maïs RR a un impact environnemental plutôt positif, sans effet détecté sur la biodversité, mais que ce bénéfice peut disparaître si l'on utilise à nouveaux des herbicides conventionnels.
Actuellement, le principal problème posé par les OGM RR est probablement l'apparition et la propagation des résistances au glyphosate, victime de son succès. Heureusement, dans le pire des cas, si toutes les mauvaises herbes deviennent résistantes au glyphosate, il reste toute la précédente panoplie d'herbicides que l'on peut réutiliser à l'occasion. Dans ce cas de figure, si l'on revenait aux pratiques antérieures, les OGM RR auraient donc permis d'utiliser moins de ces pesticides pendant dix ans. Dans le futur, les agriculteurs qui voudront continuer d'utiliser cet OGM devront réflechir à épandre des herbicides sélectifs de temps en temps, à réintroduire la pratique du labour, etc. Le jojusqu'au jour où les OGM RR ne seront plus rentables pour les producteurs et disparaîtront du marché. Bien sûr, on peut toujours appeler de ses voeux une agriculture qui ne ferait appel à aucun pesticide, mais là n'est pas le sujet lorsque l'on fait le bilan de l'utilisation des OGM RR. Si les OGM RR n'avaient pas existé, les agriculteurs qui les utilisent aujourd'hui ne seraient pas passés du jour au lendemain à une agriculture sans aucun herbicide; ils auraient continué d'en utiliser plusieurs, et de plus toxiques!
En conclusion, il semble que les OGM RR ont un effet positif sur l'environnement*, au moins transitoirement, en modifiant la quantité et la qualité des herbicides épandus sur les cultures. Aujourd'hui, prétendre que les OGM RR ont occasionné un surplus de pollution en encourageant l'usage de pesticides me paraît audacieux. L'exemple argentin qui intervient dans nombre d'argumentaires anti-OGM montre les dérives réelles associées à l'usage extensif de soja RR, mais j'aimerais souligner deux points essentiels: premièrement, ces dérives me paraissent au moins aussi spécifiques de la monoculture du soja à grande échelle que de l'utilisation d'un OGM en particulier; deuxièmement, l'exemple argentin est d'abord l'histoire du succès du soja RR, avant que les dérives n'apparaissent (on peut lire sur la même page que le soja RR est maintenant une catastrophe, et qu'il a sauvé l'Argentine de la crise, rien de moins). C'est donc la preuve du potentiel environnemental et économique des OGM RR, même s'il reste d'autres raisons de s'opposer aux OGM en général, et même si à long terme on doit les utiliser avec parcimonie et après mûre reflexion**... tiens, un peu comme les antibiotiques!
*Pour sortir des OGM RR, d'après une revue de chercheurs suisses (ou encore celle-ci), l'utilisation des OGM en général n'aurait pas eu d'impact négatif sur l'environnement, voire peut-être un impact positif.
**Cette conclusion ne tient compte que des propriétés des OGM RR, et non du fait qu'il s'agit d'OGM tout court... Disons qu'elle serait valable si l'on considérait des plantes résistantes au Roundup mais obtenues par sélection variétale et non par transgénèse.
La majorité des OGM cultivés aujourd'hui sont des plantes résistantes à un herbicide, dont les OGM dits "Roundup-Ready" (RR), commercialisés par... Monsanto, bien sûr! Le Roundup, c'est le nom commercial d'un herbicide total qui a fait la fortune de la célèbre firme d'agrochimie: le glyphosate. Cette molécule s'attaque à tous les végétaux, sauf ceux qui disposent du bon gène de résistance (codant pour une enzyme modifiée) que l'on peut introduire dans n'importe quelle plante. Le mode d'emploi est simple: sur une culture de ces OGM résistants, on pulvérise du Roundup qui éliminera toutes les mauvaises herbes, mais sans toucher à la plante cultivée (ni à l'os de Rex). Ces OGM constituaient pour Monsanto une parade à l'expiration de son brevet sur le glyphosate: la molécule est certes tombée dans le domaine public, mais ceux qui voudraient bénéficier des OGM "Roundup Ready" sont censés utiliser le Roundup commercial de Monsanto...

Glyphosate
Deux arguments spécifiques aux OGM RR reviennent fréquemment:
-Monsanto fabrique des OGM pour vendre ses herbicides et non pour nourrir le monde (Satan! sors de cette entreprise!)
-ces mêmes OGM encouragent par définition l'utilisation d'un herbicide supplémentaire dont la planète se passerait bien.
Je me permettrais de balayer le premier argument d'un revers de la main aussi désinvolte qu'esthétique. Au risque d'arracher MMR et consorts à leur douce rêverie, le but d'une entreprise est de gagner de l'argent. Nokia ne vend pas des téléphones portables pour relier les gens entre eux ("connecting people"), mais pour faire des bénéfices. Les fabricants de machines à café ne vendent que des capsules compatibles avec leur machines. Votre boulanger du coin ne fait pas du pain pour que vous le mangiez, mais pour vous le vendre. Que Monsanto prétende nourrir la planète avec ses OGM, c'est un mensonge (du marketing? de la com'?) qui n'engage que ceux qui y croient (et probablement pas leurs clients). Monsanto est un semencier, pas une ONG, qui peut exploiter ses brevets jusqu'au trognon si ça lui chante; après tout, le client n'achètera ses produits que s'il y trouve son compte.
Le deuxième argument m'intéresse plus, dans la mesure ou il reste dans la sphère du factuel: l'utilisation des OGM Roundup Ready serait nocive pour l'environnement, du fait de l'utilisation accrue de pesticides. Les plantes "ordinaires" que l'on cultive sont traitées avec plusieurs herbicides, dirigés contre les crucifères, les graminées, que sais-je encore, à des moments bien précis. Le Roundup, lui, a une propriété cruciale: c'est un herbicide total. On peut donc l'utiliser à la place de plusieurs autres herbicides. Quand on lit ces propos rapportés chez Marie-Monique Robin, "Avant l’arrivée du soja RR, l’Argentine consommait une moyenne annuelle d’un million de litres de glyphosate, renchérit Walter Pengue. En 2005, nous sommes passés à 150 millions de litres !", on se dit que bien sûr, les agriculteurs n'allaient tout de même pas épandre du Roundup sur des cultures sensibles, et on se demande quels autres herbicides sont remplacés par les 150 millions de litres de glyphosate.
Pour résumer, ce type d'OGM encourage l'emploi de pesticide, tout en rendant d'autres pesticides superflus. Ceci pose une question simple: la Terre est-elle plus heureuse avec ces OGM "Roundup Ready" arrosés de glyphosate seulement, ou avec des cultures conventionnelles traitées par plusieurs herbicides? Quel est le bilan global, écologie et pourquoi pas économique, de l'utilisation de ces OGM?
J'ai donc fait un petit tour rapide de la littérature scientifique (dont en général seuls les résumés me furent accessibles). Pour commencer, cet article nous apprend que l'adoption des OGM RR, malgré le prix plus élevé des semences, a permis aux agriculteurs des USA d'économiser 1,2 milliards de dollars (!), notamment sur le labour et les autres herbicides, la consommation totales d'herbicides ayant elle diminué de 16 000 tonnes. Problème: l'auteur de cet article est indirectement financé par des industriels de l'agrochimie, ce qui ne me pose pas problème en soi, mais qui ne convient pas à un débat objectif. Dans une étude française publiée en 2007 par une scientifique de l'INRA (soit de la recherche publique), centrée sur le soja et résumée ici, l'auteur expose les conclusions suivantes: la culture de soja RR a permis dans un premier temps de réduire la consommation d'herbicides, consommation qui a ensuite augmenté de nouveau pour dépasser les niveaux de 1996... mais parce que le glyphosate est beaucoup moins polluant que d'autres herbicides, le bilan écologique (relatif à l'emploi de pesticides) de ces OGM est encore positif. En effet, par rapport aux autres pesticides, le glyphosate est réputé très peu toxique pour les animaux, s'accumule peu dans le sols et dans les eaux, même si son effet sur les microbes du sol reste encore mal connu. C'est aussi la conclusion de cette étude belge publiée en 2007, qui affirme que la culture de maïs RR a un impact environnemental plutôt positif, sans effet détecté sur la biodversité, mais que ce bénéfice peut disparaître si l'on utilise à nouveaux des herbicides conventionnels.
Actuellement, le principal problème posé par les OGM RR est probablement l'apparition et la propagation des résistances au glyphosate, victime de son succès. Heureusement, dans le pire des cas, si toutes les mauvaises herbes deviennent résistantes au glyphosate, il reste toute la précédente panoplie d'herbicides que l'on peut réutiliser à l'occasion. Dans ce cas de figure, si l'on revenait aux pratiques antérieures, les OGM RR auraient donc permis d'utiliser moins de ces pesticides pendant dix ans. Dans le futur, les agriculteurs qui voudront continuer d'utiliser cet OGM devront réflechir à épandre des herbicides sélectifs de temps en temps, à réintroduire la pratique du labour, etc. Le jojusqu'au jour où les OGM RR ne seront plus rentables pour les producteurs et disparaîtront du marché. Bien sûr, on peut toujours appeler de ses voeux une agriculture qui ne ferait appel à aucun pesticide, mais là n'est pas le sujet lorsque l'on fait le bilan de l'utilisation des OGM RR. Si les OGM RR n'avaient pas existé, les agriculteurs qui les utilisent aujourd'hui ne seraient pas passés du jour au lendemain à une agriculture sans aucun herbicide; ils auraient continué d'en utiliser plusieurs, et de plus toxiques!
En conclusion, il semble que les OGM RR ont un effet positif sur l'environnement*, au moins transitoirement, en modifiant la quantité et la qualité des herbicides épandus sur les cultures. Aujourd'hui, prétendre que les OGM RR ont occasionné un surplus de pollution en encourageant l'usage de pesticides me paraît audacieux. L'exemple argentin qui intervient dans nombre d'argumentaires anti-OGM montre les dérives réelles associées à l'usage extensif de soja RR, mais j'aimerais souligner deux points essentiels: premièrement, ces dérives me paraissent au moins aussi spécifiques de la monoculture du soja à grande échelle que de l'utilisation d'un OGM en particulier; deuxièmement, l'exemple argentin est d'abord l'histoire du succès du soja RR, avant que les dérives n'apparaissent (on peut lire sur la même page que le soja RR est maintenant une catastrophe, et qu'il a sauvé l'Argentine de la crise, rien de moins). C'est donc la preuve du potentiel environnemental et économique des OGM RR, même s'il reste d'autres raisons de s'opposer aux OGM en général, et même si à long terme on doit les utiliser avec parcimonie et après mûre reflexion**... tiens, un peu comme les antibiotiques!
*Pour sortir des OGM RR, d'après une revue de chercheurs suisses (ou encore celle-ci), l'utilisation des OGM en général n'aurait pas eu d'impact négatif sur l'environnement, voire peut-être un impact positif.
**Cette conclusion ne tient compte que des propriétés des OGM RR, et non du fait qu'il s'agit d'OGM tout court... Disons qu'elle serait valable si l'on considérait des plantes résistantes au Roundup mais obtenues par sélection variétale et non par transgénèse.
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