Salaires des chercheurs: les doctorants sont augmentés, mais ensuite?
Depuis quelques temps, la revalorisation de la recherche en France est à l'honneur dans les médias et sur la scène politique. Pour diverses raisons (Sauvons la Recherche, certains classements vexants et la cérémonie annuelle des Nobels), le pays a pris conscience que sa recherche avait perdu de sa superbe depuis 150 ans, et qu'une nation riche qui regarde vers l'avenir ne peut s'en contenter. On peut résumer schématiquement toutes les solutions proposées pour améliorer le niveau de la recherche:
1) lui donner les moyens (matériels) de ses ambitions,
2) y attirer de bons éléments, ou du moins ne pas les décourager,
3) changer ses structures.
Si ce n'est déjà fait, je vous conseille de vous familiariser avec la carrière d'un jeune chercheur, par exemple au moyen des deux billets écrits pour l'occasion.
Le billet d'aujourd'hui traite essentiellement du point 2), et commence avec cet article publié dans un grand quotidien français, information relayée par Tom Roud dans ce billet. En substance, l'allocation de recherche qui constitue le salaire des étudiants en thèse va être revalorisée de 8% à partir d'octobre 2007 (l'information sur le site du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche). Ainsi, un thésard moniteur percevra désormais un salaire brut de 1985 euros (soit environ 1530 euros nets*), 335 pour sa charge d'enseignement et 1650 pour son allocation de recherche. L'objectif de 1,5 fois le SMIC (1920 euros) pour les doctorants est atteint, seulement pour les moniteurs, un niveau oublié depuis 1976. L'écart persiste entre la rémunération d'un thésard et d'un ingénieur (à niveau d'étude égal donc), mais devient un peu moins flagrant. La précédente revalorisation, de 8% elle aussi, avait eu lieu en janvier 2006. Encore un peu et les chercheurs voteront à droite...
Les thésards sont donc mieux rémunérés. Mais après leur thèse, quelle est leur espérance de salaire? Peut-on comparer une allocation de recherche au salaire d'un post-doc ou d'un jeune titulaire?
Il n'existe pas de règle nationale pour la rémunération des post-docs; en revanche, une petite recherche sur Google (ainsi que mon expérience personnelle) vous apprendra qu'un post-doc en France est payé en général de 2000 à 2400 euros bruts par mois (2200 euros brut équivalent à 1700 euros net). Si vous vous rappelez, un maître de conférence est un enseignant-chercheur qui effectue trois fois plus d'enseignement qu'un thésard moniteur, et qui est de plus pourvu du diplôme de docteur et de quelques années d'expérience en tant que post-doc. Son premier salaire se monte à 2058 euros bruts (1600 euros net), ainsi que nous l'indique le site du ministère de l'éducation. Ceci n'inclut pas les quelques indemnités qu'il peut toucher, ni l'évolution de son salaire au fil des ans. Néanmoins, les faits son là: un chercheur qui a décroché à grand-peine un poste de maître de conférence gagne moins d'argent que lorsqu'il était post-doc, même si son post-doc était en France (c'est dire!). Quant au jeune chercheur entrant au CNRS comme chargé de recherche**, après 4 à 6 ans de post-docs et à l'issue d'un concours de recrutement extrêmement sélectif, il reçoit... un peu plus 2000 euros brut, soit 1540 euros net. Détail amusant, le site du CNRS chargé de fournir ce genre de renseignements est en panne, du moins je ne peux y accéder... Vraie déficience ou mensonge par omission?
Pour résumer, ce billet se voulait porteur de deux informations:
a) L'allocation de recherche que perçoivent les doctorants a été revalorisée et c'est une très bonne nouvelle en soi. Malheureusement, ceci ne fait qu'accentuer le fait que...
b) les premières étapes de la carrière d'un chercheur, pourtant bien marquées par de difficiles concours de recrutement, sont imperceptibles au niveau de son salaire (voire défavorables!). Comme le dit le Canadien du laboratoire, qui lui, dans son labo d'origine, a vu son salaire doubler le jour où il est passé de doctorant à post-doc, "ça n'a pas le sens commun!".
J'espère donc que l'augmentation des thésards va être répercutée à tous les niveaux des carrières scientifiques. Si ce projet n'est même pas dans les tiroirs du ministère, les jeunes docteurs finiront par tous partir à l'étranger ou dans le privé. Mais attention, l'espoir subsiste! Si les universités deviennent autonomes et sont correctement financées, elle seront libres de fixer la rémunération de leurs personnels, dont les maîtres de conférence... L'argent n'est pas tout dans la vie, mais les satisfactions morales d'un jeune chercheur qui court les concours et ne reste pas trois ans au même endroit ne peuvent compenser l'indécence de sa rémunération. La situation actuelle ne peut pas durer; quel chercheur admettra d'avoir un niveau de vie inférieur à celui du temps de sa thèse et de son post-doc? Dans quelle profession, à part footballeur, gagne-t-on moins d'argent à 35 ans qu'à 25? Je suis convaincu, ou je veux croire, que la logique finira par prévaloir.
1) lui donner les moyens (matériels) de ses ambitions,
2) y attirer de bons éléments, ou du moins ne pas les décourager,
3) changer ses structures.
Si ce n'est déjà fait, je vous conseille de vous familiariser avec la carrière d'un jeune chercheur, par exemple au moyen des deux billets écrits pour l'occasion.
Le billet d'aujourd'hui traite essentiellement du point 2), et commence avec cet article publié dans un grand quotidien français, information relayée par Tom Roud dans ce billet. En substance, l'allocation de recherche qui constitue le salaire des étudiants en thèse va être revalorisée de 8% à partir d'octobre 2007 (l'information sur le site du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche). Ainsi, un thésard moniteur percevra désormais un salaire brut de 1985 euros (soit environ 1530 euros nets*), 335 pour sa charge d'enseignement et 1650 pour son allocation de recherche. L'objectif de 1,5 fois le SMIC (1920 euros) pour les doctorants est atteint, seulement pour les moniteurs, un niveau oublié depuis 1976. L'écart persiste entre la rémunération d'un thésard et d'un ingénieur (à niveau d'étude égal donc), mais devient un peu moins flagrant. La précédente revalorisation, de 8% elle aussi, avait eu lieu en janvier 2006. Encore un peu et les chercheurs voteront à droite...
Les thésards sont donc mieux rémunérés. Mais après leur thèse, quelle est leur espérance de salaire? Peut-on comparer une allocation de recherche au salaire d'un post-doc ou d'un jeune titulaire?
Il n'existe pas de règle nationale pour la rémunération des post-docs; en revanche, une petite recherche sur Google (ainsi que mon expérience personnelle) vous apprendra qu'un post-doc en France est payé en général de 2000 à 2400 euros bruts par mois (2200 euros brut équivalent à 1700 euros net). Si vous vous rappelez, un maître de conférence est un enseignant-chercheur qui effectue trois fois plus d'enseignement qu'un thésard moniteur, et qui est de plus pourvu du diplôme de docteur et de quelques années d'expérience en tant que post-doc. Son premier salaire se monte à 2058 euros bruts (1600 euros net), ainsi que nous l'indique le site du ministère de l'éducation. Ceci n'inclut pas les quelques indemnités qu'il peut toucher, ni l'évolution de son salaire au fil des ans. Néanmoins, les faits son là: un chercheur qui a décroché à grand-peine un poste de maître de conférence gagne moins d'argent que lorsqu'il était post-doc, même si son post-doc était en France (c'est dire!). Quant au jeune chercheur entrant au CNRS comme chargé de recherche**, après 4 à 6 ans de post-docs et à l'issue d'un concours de recrutement extrêmement sélectif, il reçoit... un peu plus 2000 euros brut, soit 1540 euros net. Détail amusant, le site du CNRS chargé de fournir ce genre de renseignements est en panne, du moins je ne peux y accéder... Vraie déficience ou mensonge par omission?
Pour résumer, ce billet se voulait porteur de deux informations:
a) L'allocation de recherche que perçoivent les doctorants a été revalorisée et c'est une très bonne nouvelle en soi. Malheureusement, ceci ne fait qu'accentuer le fait que...
b) les premières étapes de la carrière d'un chercheur, pourtant bien marquées par de difficiles concours de recrutement, sont imperceptibles au niveau de son salaire (voire défavorables!). Comme le dit le Canadien du laboratoire, qui lui, dans son labo d'origine, a vu son salaire doubler le jour où il est passé de doctorant à post-doc, "ça n'a pas le sens commun!".
J'espère donc que l'augmentation des thésards va être répercutée à tous les niveaux des carrières scientifiques. Si ce projet n'est même pas dans les tiroirs du ministère, les jeunes docteurs finiront par tous partir à l'étranger ou dans le privé. Mais attention, l'espoir subsiste! Si les universités deviennent autonomes et sont correctement financées, elle seront libres de fixer la rémunération de leurs personnels, dont les maîtres de conférence... L'argent n'est pas tout dans la vie, mais les satisfactions morales d'un jeune chercheur qui court les concours et ne reste pas trois ans au même endroit ne peuvent compenser l'indécence de sa rémunération. La situation actuelle ne peut pas durer; quel chercheur admettra d'avoir un niveau de vie inférieur à celui du temps de sa thèse et de son post-doc? Dans quelle profession, à part footballeur, gagne-t-on moins d'argent à 35 ans qu'à 25? Je suis convaincu, ou je veux croire, que la logique finira par prévaloir.
*J'ai pris 0,77 comme facteur de conversion brut->net. Il peut en résulter quelques imprécisions (ou mes informations peuvent dater un peu), mais les salaires ne changent pas d'ordre de grandeur, et c'est bien là le propos du billet. Les sites institutionnels continuent de donner le salaire brut sur leurs sites, alors que personne ne perçoit vraiment cette somme... Je n'arrive pas à m'empêcher de penser que c'est peut être pour ne pas décourager les jeunes salariés, qui sait?
**Des bruits de couloir circulent sur les chargés de recherche d'instituts privilégiés comme Pasteur ou le CEA, qui se gobergent de caviar dans leurs blouses blanches en soie sauvage. On parle même d'émoluments mirifiques supérieurs à 2000 euros net! Malheureusement, ces suppôts du grand capital protègent leurs sources, que je suis donc incapable de citer.
**Des bruits de couloir circulent sur les chargés de recherche d'instituts privilégiés comme Pasteur ou le CEA, qui se gobergent de caviar dans leurs blouses blanches en soie sauvage. On parle même d'émoluments mirifiques supérieurs à 2000 euros net! Malheureusement, ces suppôts du grand capital protègent leurs sources, que je suis donc incapable de citer.
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