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Le blog des Bactéries et de l'Evolution

A la recherche des origines de la vie

23 Janvier 2009 , Rédigé par Benjamin Publié dans #Evolution

La libellule, le guépard, la bactérie, le baobab sont indéniablement très différents, mais ils partagent avec tous les êtres vivants des caractéristiques communes: ils sont capables de se reproduire, ils puisent dans leur environnement la matière et l’énergie nécessaires à leur développement. De plus, tous sont tous constitués de cellules qui contiennent les mêmes molécules caractéristiques du vivant, les «biomolécules », réparties en quatre familles: les lipides, les protéines, les glucides et les acides nucléiques. Expliquer l’origine de la vie, c’est donc en premier lieu expliquer comment de telles molécules sont apparues par de simples réactions chimiques, sans intervention d’êtres vivants, mais ce n'est pas tout. Dans le monde que nous connaissons, les fonctions du vivant (la reproduction, le développement, la production d’énergie...) sont assurées par les cellules, fonctions qui ne peuvent être assurées individuellement par les biomolécules qui les composent. Il est donc tout aussi important de comprendre comment ces "briques élémentaires" se sont formées que de comprendre comment elles se sont assemblées pour acquérir les propriétés de la vie. Alors que la Terre est âgée d’environ 4,5 milliards d’années, les plus anciens fossiles, donc les plus anciens êtres vivants connus à ce jour, sont vieux de 3,5 milliards d’années; ils étaient constitués d’une seule cellule et ressemblaient à certaines de nos bactéries actuelles. Cela nous laisse tout de même un milliard d'années de vide, et deux grandes questions: comment les biomolécules sont-elles apparues, et comment ont-elles acquis les propriétés du vivant, et entre toutes la capacité de se reproduire?


Les scientifiques qui s'intéressent à l'appartition des biomolécules recréent en laboratoire les conditions qui régnaient sur Terre il y a 4 milliards d’années. Ce champ de recherche est baptisé « Chimie Prébiotique ». En 1953, Stanley Miller reproduisit l’atmosphère primitive de la Terre (du moins sa composition supposée à l’époque : un mélange d’hydrogène, de vapeur d’eau, de méthane et d’ammoniac), la soumit à des décharges électriques mimant les orages fréquents de l’époque, pour enfin analyser les produits obtenus: une importante variété de biomolécules. La composition de l’atmosphère primitive a été revue depuis, ce qui rend cette expérience moins concluante, mais un cap historique était franchi : il était possible de voir apparaître les constituants de la vie à partir de matière « inanimée ». Pour Miller et ses héritiers, des réactions similaires à celles observées en 1953 se seraient produites dans l’atmosphère, permettant l’accumulation de biomolécules dans l’océan primitif, une véritable « soupe prébiotique » d’où aurait émergé la vie.


Pour combler les lacunes de l’hypothèse « soupe prébiotique », qui ne peut expliquer la formation de toutes les biomolécules (surtout si l'on prend en compte une atmosphère primitive moins "généreuse") d’autres mécanismes sont invoqués en parallèle: il s’agit de réactions chimiques ayant eu lieu sur des surfaces minérales au fond des océans, comme l’argile et la pyrite. Il a en effet été montré que certaines surfaces facilitent les réactions menant à des biomolécules complexes et peuvent même fournir de l’énergie à de telles réactions. Mieux, certains de ces environnement minéraux présentent des porosités comparables en taille à des cellules, qui auraient pu faciliter l’apparition de ces compartiments. Par analogie avec la "soupe" et pour retranscrire l'importance des surfaces, on parle parfois d'hypothèse "pizza prébiotique".


Au-delà de la question de la formation des biomolécules se pose le problème de leur association en édifices plus complexes et surtout capables de se reproduire, comme aujourd’hui les cellules. La vie ne peut exister que si elle se perpétue! De manière surprenante, cette propriété peut exister à l'échelle moléculaire. Il a ainsi été montré que certaines molécules ont la propriété de s’autorépliquer et d’effectuer des travaux chimiques, soit des fonctions qui aujourd’hui n’ont lieu que dans le cadre des cellules, beaucoup plus complexes. De plus, ces mêmes molécules, les acides nucléiques (dont l’ARN ou acide ribo-nucléique), sont aujourd’hui impliquées dans l'expression de notre information génétique. A l'aide de modélisations et d'expérimentations, les scientifiques conçoivent donc un monde où, après leur apparition spontanée par la chimie prébiotique, les premiers gènes existaient séparément sur des acides nucléiques, pouvaient se répliquer eux-mêmes et exploiter leur milieu pour en tirer matière et énergie. Les premières cellules seraient donc apparues par la suite grâce à l’association de ces premiers gènes, se protégeant par une membrane et mettant en commun leurs différentes fonctions. La vie que nous connaissons aurait donc émergé de la coopération entre des entités autonomes.


L’étude scientifique des origines de la vie est un champ de recherche passionnant: même si les grands principes en sont démontrés aujourd’hui (comme le passage de la matière minérale aux biomolécules dans l’expérience de Miller ou la réplication de l’ARN), d’immenses progrès restent à faire. L'histoire n'est pas encore complète et il reste toujours à déterminer quels mécanismes, parmi tous ceux proposés, ont été impliqués, et dans quel ordre, lors de l’apparition de la vie. Malheureusement, l’étude d’événements si lointains ne peut reposer sur des preuves directes, comme des fossiles, ni sur une démonstration mathématique: le hasard et les contingences jouent un grand rôle en Biologie! Les explications proposés pourront donc être des probabilités, des vraisemblances, mais jamais des certitudes. Une explication scientifique n’est donc pas certaine, ni même complète (spécialement dans un domaine qui a vocation à explorer un lointain passé), elle comportera toujours des lacunes, mais elle progresse. Remarquons enfin que la critique créationniste se nourrit de cette incertitude inhérente à la science, ainsi d’ailleurs que des controverses de surface entre scientifiques du domaine.

 

 

 

J'ai exhumé et modifié ce petit texte qui devait résumer un travail de synthèse beaucoup plus conséquent sur les origines de la vie. Comme en plus ce résumé était censé s'adresser au "grand public", j'ai pensé qu'il aurait sa place sur ce blog; soyez donc indulgents s'il vous paraît manquer de précision...


Un grand merci et un petit coucou à Claire, co-auteur du texte!

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E
<br /> Bonjour à tous,<br /> <br /> Ce problème de ou des origine(s) de la vie est fort complexe et compliqué, presque inextricable.<br /> <br /> Lisez en effet dans ce site<br /> <br /> http://diassites.0pi.com<br /> <br /> dans lequel on semble trouver un semblant de modèle mathématique des origines [MATHÉMATIQUES] de la vie c'est les chiffres qui en sont les prémisses, c'est-à-dire que l'origine de la vie serait les<br /> chiffres, allusion faite aux migrations de matériel génétique dans le noyau pendant les divisions cellulaires (mitoses et meioses), aux algorithmes génétiques, aux imageries électroniques<br /> ultra-modernes et au malade virtuel.<br /> <br /> Bien que je n'aie personnellement pas trouvé un rapport direct et évident avec LA VIE comme telle, l'article n'en reste pas moins intéressant et est “worth” être lu.<br /> <br /> il pourrait d'une manière ou d'une ouvrir d'autres voies dans la recherche des origines de la vie.<br /> <br /> Décidemment, Dieu garde encore dans Ses poches beaucoup de tours à nous révéler !<br /> Il est infiniment et toujours plus Grand.<br /> <br /> C'est marrant, n'est-ce pas ?<br /> <br /> Amicalement, ;o)<br /> <br /> <br />
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L
Très bonne idée Hervé, merci pour la suggestion :)
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H
L’aritcle de Zimmer ne me paraît pas transcendant en soi... par contre le résultat qu’il cite (Self-Sustained Replication of an RNA Enzyme, Tracey A. Lincoln and Gerald F. Joyce) est épatant (du moins je trouve, il se peut qu’il soit un peu embelli). Est-ce qu’on connait des exemples de système auto-catalytique plus simples ?Lydie, en parlant de transition vers la multicellularité, ton blog (que je découvre) serait le lieu rêvé pour un billet sur les éponges ?! Et Benjamin, qu’attends-tu pour nous abreuver de tes lumières sur les dictyostélides ?
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L
Super article, c'est très bien écrit. C'est vraiment très interessant, et on a pas fini avec les questions. comment s'est passé la transition uni-pluricellulaire? On a plusieurs pistes mais rien de certains. Comment est apparue la reproduction sexuée? (un article recent dans le PNAS montrait quelques possibilités. PDF : www.sb-roscoff.fr/Phyto/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=422).'Fin bref, de quoi s'en donner à coeur joie en microbiologie !PS : j'ai rajouté ton blog à ma liste des sites à voir sur mon blog :)
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T
dans l'avant-dernier Science je crois, il y a un bon article sur les origines de la vie, plus précisément sur les avancées récentes pour produire les composés chimiques indispensables, et on s'en approche de plus en plus !Evolutionary roots: on the origin of life on earthCarl ZimmerScience 9 January 2009Vol. 323. no. 5911, pp. 198 - 199DOI: 10.1126/science.323.5911.198
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