Tabagisme passif et risque d'infarctus : nous prend-on pour des demeurés?
Selon un rapport remis au ministère de la santé et dévoilé par le Figaro, depuis le 1er janvier 2008 le nombre de victimes d'infarctus du myocarde admis aux urgence aurait chuté de 15%, par rapport à la même période de 2007. Le même rapport attribue cette diminution à l'interdiction de fumer dans les lieux de convivialité, appliquée depuis janvier 2008, et spécialement à la diminution du tabagisme passif, les ventes de tabac n'ayant pas diminué. Mieux, cette diminution qui concernerait 10 000 personnes à la fin de 2008 s'appliquerait dans une certaine mesure aux accident vasculaires cérébraux.
Amis fumeurs, réjouissez-vous: vos souffrances n'auront pas été vaines. Mis au pilori, grelottant dans le froid pour satisfaire votre addiction, vous sauvez des vies. Vraiment? Cet article a bien sûr suscité nombre de réactions, négatives pour la plupart (l'une d'elles ayant inspiré mon titre), en général des variation sur les thèmes "mais c'est impossible, tout le monde sait que les effets du tabac durent des années après avoir arrêté", ou "le gouvernement nous ment pour avoir une bonne image", et presque toutes ont le dénominateur commun: "il n'est pas possible de déterminer aussi rapidement que la mesure d'interdiction de fumer a eu un effet positif".
Est-ce si incroyable? Que dit la science à ce sujet?
Tout d'abord, le tabac n'a-t-il que des effets à long terme? Non! Même si ses effets à long terme comme le cancer du poumon sont les plus connus et les plus craints, le tabac possède une toxicité dite "aigüe", au-delà des yeux qui piquent. Ainsi, on sait depuis cette étude publiée en 1993 que fumer une cigarette réduit significativement et en moins de cinq minutes le diamètre des artères coronaires (celles qui irriguent le coeur), réduisant donc l'apport d'oxygène alors même que la demande augmente. Vous me répondrez que cette étude fut réalisée sur des fumeurs, ce qui est vrai. Ces résultats sont-ils transposables aux fumeurs passifs? Oui, d'après ces travaux réalisés en 1999 au Japon sur des fumeurs et des non-fumeurs jeunes et en bonne santé: 30 minutes d'exposition passive à la fumée de tabac pertubent effectivement la circulation coronarienne. Et dans la "vraie vie", hors du laboratoire? L'épidémiologie prend alors le relais et montre que le tabagisme actif comme passif (vivre avec un fumeur par exemple) augmente significativement le risque de cardiopahies ischémiques (pathologies correspondant à un manque d'oxygène du coeur, comme l'infarctus ou l'angine de poitrine). Les accidents vasculaires cérébraux sont un cas tout à fait semblable.
Au fait, qu'est-ce qu'un infarctus? C'est exactement la mort par asphyxie d'un nombre suffisant de cellules du coeur pour provoquer des symptômes graves. Dans le cas qui nous occupe, les cellules du coeur ne sont pas asphyxiées directement par la fumée, mais c'est la constriction des artères cornariennes en réponse à la fumée de tabac qui les priverait d'oxygène.
La thèse d'un impact rapide du tabagisme même passif sur le système vasculaire semble donc cohérente, et est renforcée par de nombreux travaux venus la consolider. La littérature est abondante, il n'y a qu'à se baisser.
Enfin, plus convaincant encore, les chiffres annoncés en France ne sont pas tout-à-fait une suprise. Dans les pays ayant appliqué ce genre d'interdiction avant la France, comme certains états des USA, l'Italie, des tendances similaires ont été observées (et dans le cas transalpin, soit moins 11% au bout de cinq mois, saluées par les cardiologues français). A lire également, ce bon article de Nature pour l'état de lieux et les controverses.
Pour conclure, il n'est pas incroyable que la récente interdiction de fumer dans les lieux de convivialité diminue le nombre d'infarctus, n'en déplaise au fumeurs. C'est possible, et même probable, puisque l'on a en main les chiffres, les expériences et la théorie qui permettent de l'expliquer, donc plus qu'une simple corrélation. Tout cela est bien documenté, publié. Ce n'est pas nécessairement vrai, mais pour le montrer il faudrait une explication encore plus convaincante et au moins aussi bien étayée. Je n'ai pas l'absolue certitude que les 15% de diminution observés en France soit tous liés au récent décret sur le tabac (on peut aussi invoquer la température clémente), mais cela me paraît tout à fait plausible qu'il y soit pour une bonne part. En tous cas, la diminution du nombre de fumeurs peut difficilement être en cause, le volume des ventes de tabac étant resté constant. Bien sûr, on ne risque pas grand-chose à s'assoir à côté d'un fumeur pendant une heure, mais si l'on considère une personne fragile du coeur s'exposant à répétition, le risque devient plus substantiel.
Ce qui est incroyable, c'est que sans la moindre preuve on croit bien volontiers que manger bio est bon pour la santé ou que le PSG est un grand club, plutôt que des phénomènes dont les mécanismes sont connus, testés et publiés, même avec les chiffres à l'appui!
Non, on ne nous pend pas pour des demeurés, ces chiffres sont cohérents avec l'état des connaissances scientifiques et avec les résultats observés dans d'autres pays. Le tabac a aussi des effets à court terme.
Pour faire bonne mesure, je préfèrerais tout de même lire le fameux rapport, ainsi que les conclusions quant à l'effet "météo" qui seront publiées en juin, semble-t-il. En somme, avoir du recul.
Le saviez-vous? Il existe un portail www.tabac.gouv.fr, de même qu'un portail www.drogue.gouv.fr, mais pas de www.alcool.gouv.fr...
Amis fumeurs, réjouissez-vous: vos souffrances n'auront pas été vaines. Mis au pilori, grelottant dans le froid pour satisfaire votre addiction, vous sauvez des vies. Vraiment? Cet article a bien sûr suscité nombre de réactions, négatives pour la plupart (l'une d'elles ayant inspiré mon titre), en général des variation sur les thèmes "mais c'est impossible, tout le monde sait que les effets du tabac durent des années après avoir arrêté", ou "le gouvernement nous ment pour avoir une bonne image", et presque toutes ont le dénominateur commun: "il n'est pas possible de déterminer aussi rapidement que la mesure d'interdiction de fumer a eu un effet positif".
Est-ce si incroyable? Que dit la science à ce sujet?
Tout d'abord, le tabac n'a-t-il que des effets à long terme? Non! Même si ses effets à long terme comme le cancer du poumon sont les plus connus et les plus craints, le tabac possède une toxicité dite "aigüe", au-delà des yeux qui piquent. Ainsi, on sait depuis cette étude publiée en 1993 que fumer une cigarette réduit significativement et en moins de cinq minutes le diamètre des artères coronaires (celles qui irriguent le coeur), réduisant donc l'apport d'oxygène alors même que la demande augmente. Vous me répondrez que cette étude fut réalisée sur des fumeurs, ce qui est vrai. Ces résultats sont-ils transposables aux fumeurs passifs? Oui, d'après ces travaux réalisés en 1999 au Japon sur des fumeurs et des non-fumeurs jeunes et en bonne santé: 30 minutes d'exposition passive à la fumée de tabac pertubent effectivement la circulation coronarienne. Et dans la "vraie vie", hors du laboratoire? L'épidémiologie prend alors le relais et montre que le tabagisme actif comme passif (vivre avec un fumeur par exemple) augmente significativement le risque de cardiopahies ischémiques (pathologies correspondant à un manque d'oxygène du coeur, comme l'infarctus ou l'angine de poitrine). Les accidents vasculaires cérébraux sont un cas tout à fait semblable.
Au fait, qu'est-ce qu'un infarctus? C'est exactement la mort par asphyxie d'un nombre suffisant de cellules du coeur pour provoquer des symptômes graves. Dans le cas qui nous occupe, les cellules du coeur ne sont pas asphyxiées directement par la fumée, mais c'est la constriction des artères cornariennes en réponse à la fumée de tabac qui les priverait d'oxygène.
La thèse d'un impact rapide du tabagisme même passif sur le système vasculaire semble donc cohérente, et est renforcée par de nombreux travaux venus la consolider. La littérature est abondante, il n'y a qu'à se baisser.
Enfin, plus convaincant encore, les chiffres annoncés en France ne sont pas tout-à-fait une suprise. Dans les pays ayant appliqué ce genre d'interdiction avant la France, comme certains états des USA, l'Italie, des tendances similaires ont été observées (et dans le cas transalpin, soit moins 11% au bout de cinq mois, saluées par les cardiologues français). A lire également, ce bon article de Nature pour l'état de lieux et les controverses.
Pour conclure, il n'est pas incroyable que la récente interdiction de fumer dans les lieux de convivialité diminue le nombre d'infarctus, n'en déplaise au fumeurs. C'est possible, et même probable, puisque l'on a en main les chiffres, les expériences et la théorie qui permettent de l'expliquer, donc plus qu'une simple corrélation. Tout cela est bien documenté, publié. Ce n'est pas nécessairement vrai, mais pour le montrer il faudrait une explication encore plus convaincante et au moins aussi bien étayée. Je n'ai pas l'absolue certitude que les 15% de diminution observés en France soit tous liés au récent décret sur le tabac (on peut aussi invoquer la température clémente), mais cela me paraît tout à fait plausible qu'il y soit pour une bonne part. En tous cas, la diminution du nombre de fumeurs peut difficilement être en cause, le volume des ventes de tabac étant resté constant. Bien sûr, on ne risque pas grand-chose à s'assoir à côté d'un fumeur pendant une heure, mais si l'on considère une personne fragile du coeur s'exposant à répétition, le risque devient plus substantiel.
Ce qui est incroyable, c'est que sans la moindre preuve on croit bien volontiers que manger bio est bon pour la santé ou que le PSG est un grand club, plutôt que des phénomènes dont les mécanismes sont connus, testés et publiés, même avec les chiffres à l'appui!
Non, on ne nous pend pas pour des demeurés, ces chiffres sont cohérents avec l'état des connaissances scientifiques et avec les résultats observés dans d'autres pays. Le tabac a aussi des effets à court terme.
Pour faire bonne mesure, je préfèrerais tout de même lire le fameux rapport, ainsi que les conclusions quant à l'effet "météo" qui seront publiées en juin, semble-t-il. En somme, avoir du recul.
Le saviez-vous? Il existe un portail www.tabac.gouv.fr, de même qu'un portail www.drogue.gouv.fr, mais pas de www.alcool.gouv.fr...
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