Un rapport officiel dénonce l'inefficacité économique de la recherche publique... Haro sur la recherche!
L'heure est grave! Je viens de tomber sur cet article en ligne, édité par un grand quotidien français. Il s'intitule "un rapport officiel dénonce l'inefficacité économique de la recherche publique". Cette enquête a été réalisée "par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, à la demande des ministres de l'économie et de l'éducation nationale". On y relate entre autres que malgré les mesures prises par l'Etat pour valoriser sa recherche, le volume des partenariats entre la recherche publique et le privé n'augmente pas. Pire, les crédits ne sont pas utilisés pour la valorisation, mais plutôt pour développer la recherche fondamentale. Trop peu de brevets sont encore déposés, les entreprises issues de la recherche ne s'épanouissent pas (i. e. font souvent faillite)... Tout de même, les auteurs du rapport signalent les bons élèves, le CEA et les écoles d'ingénieurs, et les cancres, le CNRS et les universités (où mettent-ils l'ENS?). Conclusion : les aides attribuées à la recherche sont mal réparties, et la recherche publique, cette ingrate, ne remplit pas sa mission de valorisation.
Je ne suis pas vraiment en phase avec le ton de l'article, ni avec les aperçus du rapport qui nous sont donnés, ce qui me donne l'occasion pour la première fois de proposer ma perception de la recherche en France. Je précise tout d'abord que je ne suis pas idéologiquement opposé à la valorisation de la recherche, loin de là, seulement à la désignation facile de boucs émissaires.
A mon avis, et je le partage, les aides à la valorisation masquent à peine le cruel manque de moyens des laboratoires (il s'agit plus d'une réallocation que d'une addition), et une valorisation efficace est le signe d'une recherche florissante. Le rapport signale par exemple les bons résultats en recherche tant fondamentale qu'appliquée du CEA et des écoles d'ingénieurs. Or, il s'agit selon moi des institutions qui n'ont que rarement eu des problèmes de financement, et qui déjà avant la loi sur l'innovation et la recherche de 1999 fonctionnaient bien et avaient une philosophie de valorisation. Ces cas mis à part, on ne peut pas faire semblant de donner plus d'argent au CNRS, jeter un oeil 7 ans plus tard et s'exclamer : "quoi!? vous en êtes encore là?". Pour résumer ma position, je dirais qu'on ne peut attendre d'une recherche publique qu'elle valorise ses trouvailles qu'à la condition qu'elle soit efficace au préalable, donc bien structurée et financée.
Du côté des entreprises issues de la recherche publique, il est cocasse d'imputer leur petit nombre et leur courte durée de vie à la recherche elle-même, alors que la France est loin d'être le meilleur endroit pour entreprendre!
Je rejoins les conclusions du rapport sur un point : en France, les cultures de l'entreprise et de la recherche sont très distinctes, contrairement aux pays anglo-saxons: dans ces contrées riantes, les "PhD" sont accueillis à bras ouverts par les entreprises, se voient proposer des postes d'encadrement et des salaires confortables, courent dans les fleurs et nagent dans des rivières de chocolat. En France, non. J'apprécie énormément nos ingénieurs, il m'arrive même d'en fréquenter et d'y trouver du plaisir, mais le monde de l'entreprise doit faire un peu de place aux docteurs. Conséquence intéressante, le jour où le doctorat cessera de déboucher uniquement sur une recherche publique encore embouteillée et sous-financée, plus d'étudiants seront attirés par la thèse, en feront une, et ainsi beaucoup de laboratoires bénéficieront de leurs compétences pendant quelques années. La recherche ne s'en portera que mieux.
Le CNRS n'est certainement pas parfait, une restructuration lui ferait du bien alors que ses chercheurs sont essaimés dans tous les labos de France et de Navarre, il devrait peut être déposer plus de brevets... Mais qu'un rapport officiel dénonce le monde de la recherche au lieu de ses propres insuffisances, sous-financement de la recherche, entrepreneuriat découragé, enseignement de type monolithique en université sans notions du monde de l'entreprise, etc. ça me hérisse, tout simplement.
J'ai oublié de préciser que le lien du monde qui pointe vers cet article s'intitule "en France, la recherche manque de performances, pas d'argent!". Ben voyons! J'apprécie la négation du sous financement de la recherche et en même temps l'amalgame de la performance et de la valorisation économique... Je me hérisse derechef!
Une petite blague, après ce long déballage... Rue d'Ulm, 23heures: un sinistre individu cagoulé menace un passant au moyen d'un cutter rouillé:
"ton portefeuille, vite!"
Le quidam effrayé s'éxécute... Dans le portefeuille en nylon noir élimé, son agresseur trouve en tout et pour tout quinze centimes d'euros et trois tickets de métro (usagés). Le voleur, dégoûté, rend le portefeuille à son propriétaire:
"tiens, garde-le! t'es encore plus dans la merde que moi!
-ben... je suis chercheur!" fait l'agressé avec un geste d'impuissance.
A ces mots, l'autre enlève sa cagoule et lui dit, jovial:
"Ha bon? t'es dans quel labo?".
Je ne suis pas vraiment en phase avec le ton de l'article, ni avec les aperçus du rapport qui nous sont donnés, ce qui me donne l'occasion pour la première fois de proposer ma perception de la recherche en France. Je précise tout d'abord que je ne suis pas idéologiquement opposé à la valorisation de la recherche, loin de là, seulement à la désignation facile de boucs émissaires.
A mon avis, et je le partage, les aides à la valorisation masquent à peine le cruel manque de moyens des laboratoires (il s'agit plus d'une réallocation que d'une addition), et une valorisation efficace est le signe d'une recherche florissante. Le rapport signale par exemple les bons résultats en recherche tant fondamentale qu'appliquée du CEA et des écoles d'ingénieurs. Or, il s'agit selon moi des institutions qui n'ont que rarement eu des problèmes de financement, et qui déjà avant la loi sur l'innovation et la recherche de 1999 fonctionnaient bien et avaient une philosophie de valorisation. Ces cas mis à part, on ne peut pas faire semblant de donner plus d'argent au CNRS, jeter un oeil 7 ans plus tard et s'exclamer : "quoi!? vous en êtes encore là?". Pour résumer ma position, je dirais qu'on ne peut attendre d'une recherche publique qu'elle valorise ses trouvailles qu'à la condition qu'elle soit efficace au préalable, donc bien structurée et financée.
Du côté des entreprises issues de la recherche publique, il est cocasse d'imputer leur petit nombre et leur courte durée de vie à la recherche elle-même, alors que la France est loin d'être le meilleur endroit pour entreprendre!
Je rejoins les conclusions du rapport sur un point : en France, les cultures de l'entreprise et de la recherche sont très distinctes, contrairement aux pays anglo-saxons: dans ces contrées riantes, les "PhD" sont accueillis à bras ouverts par les entreprises, se voient proposer des postes d'encadrement et des salaires confortables, courent dans les fleurs et nagent dans des rivières de chocolat. En France, non. J'apprécie énormément nos ingénieurs, il m'arrive même d'en fréquenter et d'y trouver du plaisir, mais le monde de l'entreprise doit faire un peu de place aux docteurs. Conséquence intéressante, le jour où le doctorat cessera de déboucher uniquement sur une recherche publique encore embouteillée et sous-financée, plus d'étudiants seront attirés par la thèse, en feront une, et ainsi beaucoup de laboratoires bénéficieront de leurs compétences pendant quelques années. La recherche ne s'en portera que mieux.
Le CNRS n'est certainement pas parfait, une restructuration lui ferait du bien alors que ses chercheurs sont essaimés dans tous les labos de France et de Navarre, il devrait peut être déposer plus de brevets... Mais qu'un rapport officiel dénonce le monde de la recherche au lieu de ses propres insuffisances, sous-financement de la recherche, entrepreneuriat découragé, enseignement de type monolithique en université sans notions du monde de l'entreprise, etc. ça me hérisse, tout simplement.

Une petite blague, après ce long déballage... Rue d'Ulm, 23heures: un sinistre individu cagoulé menace un passant au moyen d'un cutter rouillé:
"ton portefeuille, vite!"
Le quidam effrayé s'éxécute... Dans le portefeuille en nylon noir élimé, son agresseur trouve en tout et pour tout quinze centimes d'euros et trois tickets de métro (usagés). Le voleur, dégoûté, rend le portefeuille à son propriétaire:
"tiens, garde-le! t'es encore plus dans la merde que moi!
-ben... je suis chercheur!" fait l'agressé avec un geste d'impuissance.
A ces mots, l'autre enlève sa cagoule et lui dit, jovial:
"Ha bon? t'es dans quel labo?".
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