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Le blog des Bactéries et de l'Evolution

Le premier vaccin

26 Février 2007 , Rédigé par Benjamin Publié dans #Microbiologie

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l'humanité souffre beaucoup moins (mais encore trop) des maladies infectieuses grâce à trois innovations majeures: l'hygiène, les antibiotiques et les vaccins, dont il est question dans ce billet.

Au début du XVIIe siècle, la variole (ou petite vérole) tue environ un enfant sur dix en Europe, en défigure bien plus. Donc, pas d'illustrations. Elle aurait largement aidé les conquistadors en décimant les amerindiens deux cent kilomètres au-devant d'eux, une sorte de mise en évidence de la coévolution entre une population humaine et ses virus. En Angleterre, pour prévenir cette maladie,  une pratique ayant cours en Turquie (et en Chine depuis le XIe siècle) est employée à partir de 1721: il s'agit d'inoculer dans le bras d'un enfant un peu de pus variolique prélevé sur un malade. L'enfant développe alors une forme bénigne de variole, la "petite vérole artificielle", et sera par la suite immunisé contre la maladie. Cette méthode conquiert de nombreux partisans, mais il s'avère qu'un enfant inoculé sur 50 à 250 est infecté par une forme virulente de variole. Le dilemme des parents et des médecins se pose en ces termes: faut-il courir un risque immédiat et modéré ou un risque plus important, mais plus lointain et moins certain? Ce dilemme est après tout très moderne, si l'on considère les risques associés à la vaccination contre l'hépatite B, réels mais faibles, ou les nombreux fantasmes sur les vaccins en général.

Edward Jenner est un médecin du Glowcester qui pratique la "variolisation", mais remarque que les garçons vachers (oui, les cow boys) qu'il soigne sont réfractaires à la petite vérole artificielle. Ce fait rejoint la croyance populaire selon laquelle les vachers seraient immunisés contre la maladie. En regardant de plus près, il observe sur leurs mains des cicatrices dues à la vaccine, la petite vérole bovine ou cow-pox, sans gravité chez l'homme. Jenner y voit un lien de cause à effet: en 1796, il inocule au jeune James Phips, 7 ans, un peu de pus tiré de la main d'une fermière infectée par la cow-pox. Trois semaines après, il lui inocule du pus de variole humaine. James Phips ne développe pas de petite vérole artificielle, il est immunisé. Après ce succès, la "vaccination" gagne rapidement l'Europe puis le monde; grâce à elle, la variole peut être déclarée éradiquée par l'OMS en 1980, moins deux souches conservées aux USA et en Russie. Petit bémol tout de même: à ses débuts, la vaccination consistait en une inoculation de pus, soit une vraie soupe de microbes; l'importance de l'asepsie et l'existence des germes ne seront découvertes que plus tard. Il est alors courant de provoquer des septicémies ou d'autres infections par vaccination, et même en une occasion de transmettre la syphilis, maladie notoirement vénérienne... à tout un couvent.

De cette histoire, on peut retenir la chance de Jenner: le délai entre la vaccination et sa mise à l'épreuve était heureusement suffisant, sans quoi il aurait abandonné cette méthode; il disposait d'une maladie modèle, la variole, pour laquelle on connaissait déjà une forme atténuée, ce qui a permis de ne pas risquer la vie de son jeune cobaye; enfin, il existait une immunité croisée entre une forme de maladie bénigne, donc inoculable, et la "vraie" variole. Cependant, à une époque où le système immunitaire n'était pas concevable, il faut rendre hommage  l'ingéniosité et à la méthode de Jenner. Ce n'est qu'au XXe siècle que l'on comprendra comment les vaccins fonctionnent. En attendant, la chance de Jenner ne pouvant se répéter indéfiniment, le grand défi des premiers microbiologistes modernes sera de trouver des vaccins de laboratoire contre les maladies infectieuses pour lesquelles il n'existe pas de forme naturellement atténuée. Nous verrons avec Pasteur comment la chance est également intervenue, mais d'une manière différente.

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B
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Que ce passe-t-il quand la vaccination a lieu peu de temps avant ou après la contamination ? Une telle coïncidence ne peut être maîtrisée en zone d'endémie et période d'épidémie et elle peut avoir beaucoup d'importance comme justement avec la variole, ce qui pourrait expliquer beaucoup de choses.<br />  <br /> Il existe un certain nombre d'éléments statistiques et individuels qui pourraient accréditer le fait que cette simultanéité annulerait l'immunité acquise par d'anciennes vaccinations, favorisant l'éclosion de la maladie et aggravant celle ci.<br />  <br /> L'exemple des hôpitaux allemands<br />  <br /> Cela semble avoit été mis en évidence sur des infirmières allemandes au cours des épidémies importées de variole dans les années 60. Ces cas ont été étudiés par  le médecin allemand Gerhard Buchwald qui a étudié les cas de variole apparus dans les hôpitaux allemands et rapporte en particulier 5 cas d’infirmières décédées comme « Barbara Berndt (17 ans) (épidémie de variole à Monschau, 1962), vaccinations : première et deuxième vaccinations obligatoires, vaccination après la déclaration du foyer de variole le 5 février 1962. date du décès : 20/02/1962, 14 jours après la dernière vaccination. ».<br /> Il signale aussi d'autres cas comme l'infirmière Elizabeth Sickmann qui travaillait au service des maladies infectieuses fut revaccinée "sans succès" le 1er janvier 1962 dans le cadre de l'épidémie de Dusseldörf introduite le 13/12/61 par un ingénieur de retour du Liberia. Elle dû alors recevoir une nouvelle vaccination "renforcée " le 6 janvier. Elle tomba malade le 11 pour décéder le 20 janvier d'une variole hémorragique.<br /> Une autre infirmière, Martha Lehmann, également revaccinée, subit le même sort. L'épidémie se solda par 5 cas de variole, les 2 autres étant l'épouse et le fils de l'ingénieur. Les seuls décès furent ceux des infirmières, les seules à avoir été vaccinées pendant la période d'incubation alors que la mortalité est reconnue beaucoup plus élevée chez les enfants. La dernière vaccination de l'ingénieur remontait au 12/08/59 soit 2 ans et 4 mois avant la maladie, celle de son fils à septembre 1959 et celle de son épouse à 1945 à l'âge de 12 ans, 16 ans auparavant.<br /> <br /> Le rapport de la Commission mondiale d'éradication (diffusé par l'OMS)<br /> <br />  Ce rapport qui présida à la proclamation mondiale de l'éradication cite (page 55) le cas qui s’était produit au Royaume Uni en 1949  dans un laboratoire : «il était imputable à une auto-inoculation du virus variolique par un agent de laboratoire récemment engagé qui avait manipulé des instruments infectés le jour même où il avait été vacciné. ». <br /> Il est évident que pour travailler dans un tel laboratoire et en 1949 cette personne n'en était pas à sa première vaccination. Selon les réglements elle devait être récemment vaccinée avant de pouvoir y entrer. De plus, on peut penser que si elle a été revaccinée le jour même de son accident ce n'était pas une coïncidence mais une décision de prudence et de sécurité après le constat de piqûre accidentelle.<br /> <br /> Il existe aussi des éléments statistiques qui pourraient confirmer cela. Plus brièvement, dans ce même rapport, page 32<br /> « Les campagnes d’éradication reposant entièrement ou essentiellement sur la vaccination de masse furent couronnées de succès dans quelques pays mais échouèrent dans la plupart des cas. »<br /> <br /> D'où un changement de stratégie qui a conduit au succès :<br /> <br /> 1 – Les malades furent alors activement recherchés, en particulier par des campagnes d’affichages et en offrant même de l’argent pour tout cas signalé. Dès qu’un cas était repéré, il était isolé.<br /> 2 – Les contacts étaient recherchés et surveillés. Aux premiers signes de maladie – une fièvre intense, donc avant de devenir contagieux - ils étaient isolés.<br /> « Dès lors que les varioleux étaient isolés dans une enceinte où ils n’avaient de contacts qu’avec des personnes correctement vaccinées ou précédemment infectées, la chaîne de transmission était rompue . En identifiant et en isolant immédiatement les contacts qui tombaient malades, on dressait un obstacle à la poursuite de la transmission . » [p. 22]<br /> Plus de détails sur mon blog catégorie Variole
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U
La mortalité par variole est à mon avis exprimée dans l’article d’AgoraVox en pourcentage des cas déclarés. La suite de % cités ne dit donc rien de l’évolution du nombre absolu de cas de variole, dont on peut supposé qu’il a beaucoup diminué, si la campagne de vaccination a été efficace. Reste à expliquer pourquoi la proportion de malades qui décèdent augmente…
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F
"La nocivité même du vaccin ne semble pas prouvée, son inefficacité oui", mais dans les populations test seulement. Si d'après ton hypothèse, les philippins étaient aussi vulnérables que les amérindiens, ces preuves n'ont plus de valeur.
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B
La nocivité même du vaccin ne semble pas prouvée, son inefficacité oui. Avant ces campagnes, vers 1895-1900, les Philippines étaient sujettes à des épidémies de variole assez meurtrières. Il faut donc être prudents avant d'établir un lien de cause à effet, et je vais creuser quelques articles de première main pour m'en rendre compte.
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F
Moi aussi ça m'irrite qu'on s'en prenne à la bonne foi des médecins en général ; j'en ai toutefois connus qui étaient vraiment uniquement des commerçants de services de santé, et en aucun cas des gens dévoués à la santé de leurs patients! Il y en a peut-être plus que l'on aimerait à le croire, et je me méfie toujours un peu. (Je tiens  celà de mon expérience avec une dentiste parisienne, et un vieux dermatologue d'Abu Dhabi - ma mère me dit qu'il faut toujours se méfier des vieux médecins - qui tous deux voulaient me revendre des séries d'opérations très chères et très longues, et surtout inutiles... D'autres médecins m'ont affirmé que c'était, au pire de la grande escroquerie, au mieux de l'incompétence pure et simple.) Ta thèse sur l'épidémie philippine est très intéressante mais semble surréaliste: comment, dans une campagne de vaccination qui s'est échelonnée sur 8 ans, n'a-t-on pas pu se rendre compte que le vaccin était aussi meurtrier que le virus? L'innocuité du vaccin étant la première chose à valider pour valider l'efficacité du vaccin, celà semble absurde! Faudrait-il penser que les tests du vaccin ayant été validés en contrées occidentales, ils n'ont pas voulu les remettre en cause lors de cette campagne?? Ils auraient ainsi supposé que le vaccin ne fonctionnait pas assez, au lieu de se questionner sur sa nocivité? Celà se tient, mais fait d'autant plus peur...
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