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Le blog des Bactéries et de l'Evolution

Une bactérie pour assimiler moins de cholesterol

23 Avril 2008 , Rédigé par Benjamin Publié dans #Microbiologie

Le monde se divise en deux: entre ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent, certes. Il se divise aussi entre les personnes qui convertissent la majorité du cholestérol de leur alimentation en coprostanol (qui, comme son nom le suggère, n'est pas assimilé par l'organisme), et les autres. La raison? Les bactéries, bien sûr! Si vous avez lu sur ce même blog les billets traitant de la flore digestive que nous hébergeons et de ses relations avec notre métabolisme (sur l'obésité et le chocolat), vous ne serez pas surpris par cet article, qui rapporte l'isolation d'une bactérie capable de réduire le cholestérol en coprostanol.

Des chercheurs de l'INRA ont ainsi prélevé des bactéries provenant d'un humain bon producteur de coprostanol, et ont sélectionné les bactéries qui les intéressaient sur un milieu contenant du cholestérol (à base de cerveau, qui en est très riche). Ils parvinrent ainsi à isoler une souche bactérienne capable de réduire le cholestérol, souche appartenant au genre Bacteroides, le plus représenté dans la flore digestive, et baptisée du joli nom de D8.

Selon le communiqué de presse de l'INRA relatif à ces travaux, "une telle bactérie pourrait être à terme utilisée pour diminuer le taux de cholestérol trop élevé chez les personnes à risque". Logique! La bactérie mange du cholestérol, on retrouve donc moins de cholestérol dans nos artères! Oui, mais pas aussi directement. En effet, le foie ajustant sa propre synthèse de cholestérol selon les apports des aliments, la quantité de cholestérol présente dans notre organisme est à peu près constante. De plus, le mot "cholestérol" désigne plusieurs choses: la molécule indispensable au fonctionnement de notre organisme, que nous trouvons dans notre alimentation mais que nous synthétisons nous-mêmes en grande partie, et les formes sous lesquelles cette molécule est transportée dans le sang, associée à des lipoprotéines; c'est alors seulement que l'on parle de "bon" et de "mauvais" cholestérol, selon la forme de transport. Le cholestérol que nous trouvons dans notre alimentation (en particulier dans la cervelle d'agneau) n'est donc pas le même que celui qui encrasse nos artères. Il existe bien un effet du cholestérol assimilé par la voie digestive, un peu plus intriqué qu'il n'y paraît, mais il augmente bien la quantité de LDL ("mauvais cholestérol") dans le sang. J'ai trouvé un bon résumé de ses effets ici; en particulier, le cholestérol alimentaire réprime l'activité des récepteurs chargés de retirer les LDL du sang.

Apparemment, le phénomène de conversion du cholestérol en coprostanol par les bactéries de la flore digestive était déjà connu depuis les années 30. La nouveauté de l'article réside dans l'isolation d'une bactérie qui en est responsable chez l'homme, des résultats similaires ayant été obtenus chez le rat et le babouin (la bactérie isolée appartenant alors à un autre genre, Eubacterium). Les auteurs ne mentionnent pas ces travaux, qui pourtant ont abouti à l'isolement chez l'homme d'une bactérie aux mêmes propriétés, mais ils ont sûrement une bonne raison, je ne suis pas cholestérolologue. La représentativité de la souche D8 est elle-même mise en cause par les auteurs: ils n'ont pu la détecter par PCR chez 11 autres humains bon convertisseurs de cholestérol, ce qui tend à montrer que ce n'est pas D8 qui est responsable de cette conversion dans la majorité des cas (je leur fais confiance pour avoir recommencé cette PCR plusieurs fois).

L'isolation de la souche D8 est donc d'une nouveauté et d'une signification biologique limitées, même si elle nous éclaire un petit peu plus sur les mystères de la flore digestive, de son interaction avec notre métabolisme, et sur le métabolisme du cholestérol en particulier. Mais le vrai mérite de ces travaux est ailleurs: il réside dans le fait d'avoir trouvé une bactérie de la flore humaine qui effectue un travail très utile, potentiellement d'un grand intérêt sanitaire, et que nous avons de bonnes chances de trouver un jour dans nos yaourts... si nous arrivons à oublier d'où elle vient.

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B
Je sais, j'en laisse passer beaucoup!Dans ce cas particulier, il se trouve que je connais bien l'équipe où ces travaux ont été menés et je ne voulais pas qu'on m'accuse de favoritisme... En plus, comme Claude Rivière ne l'avait pas laissé passer,, j'avais laissé un petit commentaire là bas : http://www.claude.over-blog.com/article-17734021.html
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S
Vous avez laissé passer une info concernant les bactéries : http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu.php?langue=fr&id_article=9403&id_mag=0
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