L'incroyable aventure de deux prix Nobel au Danemark
Ma lecture du moment s'intitule "How to win the Nobel prize" (Harvard University Press), un livre qui m'a été offert par des parents forts avisés que je salue au passage. L'auteur, John Michael Bishop, n'a pas réellement la prétention de donner une recette pour recevoir la récompense scientifique suprême, mais raconte son propre parcours de chercheur. Etrangement, ce livre commence par l'aboutissement : l'annonce et de la remise du prix à Stockholm. A cette occasion, l'auteur nous donne un aperçu de l'histoire du prix Nobel, du protocole qui l'entoure, et du symbole qu'il représente. Il illustre cette puissance symbolique à travers nombre de récits et d'anecdotes, dont une qui m'a tellement frappé que je vous la rapporte ici, avec quelques précisions.
Comme vous le savez peut-être, le prix Nobel se compose d'une récompense sonnante et trébuchante d'environ un million d'euros, d'un certificat écrit, et d'une médaille en or.

Niels Bohr (1885-1962) fut un des plus grands physiciens du XXème siècle et l'un des fondateurs de la physique quantique. Pour ses travaux, il reçut le prix Nobel de physique en 1922. En 1943, le Danemark est occupé par l'Allemagne nazie et Bohr, né de mère juive, doit s'enfuir sous la menace d'une arrestation. Il passe alors en Suède, puis en Angleterre, le tout dans des circonstances plutôt romanesques. Son institut de recherche abritait deux autres scientifiques juifs allemands de renom, eux aussi prix Nobel de physique, Max von Laue (1914) et James Franck (1925)... avec leurs médailles. Ces deux scientifiques connurent des fortunes diverses, le premier fut arrêté, le second s'exila aux Etats-Unis, mais pas question que leurs prix Nobel tombent au mains des nazis! Vous l'aurez deviné, "l'incroyable aventure de deux prix Nobel au Danemark" concerne plus les médailles que les lauréats eux-mêmes.
Depuis lors, J.R. R. Tolkien a très bien écrit que l'on ne peut durablent dissimuler un trésor à l'Ennemi en l'enfouissant dans le sol ou en l'immergeant dans l'océan. Même loin d'Orodruin, la montagne du destin, les physiciens et les chimistes sont rarement à court de ressources: les préssscieuses médailles furent donc dissoutes dans l'acide! Seulement, le premier Coca light venu n'est pas à même de venir à bout d'un métal noble comme l'or... Il leur fallut utiliser une une préparation alchimique appelée "aqua regia" ou "eau régale", consistant en un mélange d'acides nitrique et chlorhydrique concentrés, l'un des rares moyen connus de dissoudre le précieux métal. En quelque sorte la "solution acide du destin", Acidruin en langue sindarine.
Les deux acides de l'aquia regia sont nécessaires. Ainsi, l'acide nitrique oxyde l'or Au solide en ions Au3+ solubles. Malheureusement, ces ions ne peuvent exister en grand nombre dans la solution aqueuse, et l'on ne peut compter sur cette réaction seule pour dissoudre même une petite quantité d'or (à moins de disposer d'immenses volumes).
(1) Au (s) + 3 NO3- (aq) + 6 H+ (aq) → Au3+ (aq) + 3 NO2 (g) + 3 H2O (l)
C'est ici qu'interviennent l'acide chlorhydrique et la deuxième réaction. Les ions chlorure Cl- se lient avec les ions Au3+ pour former des ions chloraurate Au(Cl)4-, parfaitement solubles et qui peuvent exister en grand nombre dans la solution. Si vous préférez, la deuxième réaction déplace l'équilibre de la première, et l'on peut alors dissoudre une quantité d'or tout à fait raisonnable, au hasard deux médailles Nobel.
(2) Au3+ (aq) + 4 Cl- (aq) → AuCl4- (aq).
Ce fut le hongrois George de Hevesy (lui-même prix Nobel de chimie 1943!) qui procéda à l'opération (que je devine douloureuse) alors que les troupes allemandes investissaient Copenhague. Jusqu'à leur départ, il surveilla les innocentes bouteilles qui dormaient sur les étagères du laboratoire, bouteilles contenant l'or des fameuses médailles qui échappèrent ainsi aux recherches. Une fois la paix revenue, il récupéra l'or de la solution, qui fut refondu par la fondation Nobel en deux médailles neuves qui furent retournées à leur propriétaires.
Comme vous le savez peut-être, le prix Nobel se compose d'une récompense sonnante et trébuchante d'environ un million d'euros, d'un certificat écrit, et d'une médaille en or.

Niels Bohr (1885-1962) fut un des plus grands physiciens du XXème siècle et l'un des fondateurs de la physique quantique. Pour ses travaux, il reçut le prix Nobel de physique en 1922. En 1943, le Danemark est occupé par l'Allemagne nazie et Bohr, né de mère juive, doit s'enfuir sous la menace d'une arrestation. Il passe alors en Suède, puis en Angleterre, le tout dans des circonstances plutôt romanesques. Son institut de recherche abritait deux autres scientifiques juifs allemands de renom, eux aussi prix Nobel de physique, Max von Laue (1914) et James Franck (1925)... avec leurs médailles. Ces deux scientifiques connurent des fortunes diverses, le premier fut arrêté, le second s'exila aux Etats-Unis, mais pas question que leurs prix Nobel tombent au mains des nazis! Vous l'aurez deviné, "l'incroyable aventure de deux prix Nobel au Danemark" concerne plus les médailles que les lauréats eux-mêmes.
Depuis lors, J.R. R. Tolkien a très bien écrit que l'on ne peut durablent dissimuler un trésor à l'Ennemi en l'enfouissant dans le sol ou en l'immergeant dans l'océan. Même loin d'Orodruin, la montagne du destin, les physiciens et les chimistes sont rarement à court de ressources: les préssscieuses médailles furent donc dissoutes dans l'acide! Seulement, le premier Coca light venu n'est pas à même de venir à bout d'un métal noble comme l'or... Il leur fallut utiliser une une préparation alchimique appelée "aqua regia" ou "eau régale", consistant en un mélange d'acides nitrique et chlorhydrique concentrés, l'un des rares moyen connus de dissoudre le précieux métal. En quelque sorte la "solution acide du destin", Acidruin en langue sindarine.
Les deux acides de l'aquia regia sont nécessaires. Ainsi, l'acide nitrique oxyde l'or Au solide en ions Au3+ solubles. Malheureusement, ces ions ne peuvent exister en grand nombre dans la solution aqueuse, et l'on ne peut compter sur cette réaction seule pour dissoudre même une petite quantité d'or (à moins de disposer d'immenses volumes).
(1) Au (s) + 3 NO3- (aq) + 6 H+ (aq) → Au3+ (aq) + 3 NO2 (g) + 3 H2O (l)
C'est ici qu'interviennent l'acide chlorhydrique et la deuxième réaction. Les ions chlorure Cl- se lient avec les ions Au3+ pour former des ions chloraurate Au(Cl)4-, parfaitement solubles et qui peuvent exister en grand nombre dans la solution. Si vous préférez, la deuxième réaction déplace l'équilibre de la première, et l'on peut alors dissoudre une quantité d'or tout à fait raisonnable, au hasard deux médailles Nobel.
(2) Au3+ (aq) + 4 Cl- (aq) → AuCl4- (aq).
Ce fut le hongrois George de Hevesy (lui-même prix Nobel de chimie 1943!) qui procéda à l'opération (que je devine douloureuse) alors que les troupes allemandes investissaient Copenhague. Jusqu'à leur départ, il surveilla les innocentes bouteilles qui dormaient sur les étagères du laboratoire, bouteilles contenant l'or des fameuses médailles qui échappèrent ainsi aux recherches. Une fois la paix revenue, il récupéra l'or de la solution, qui fut refondu par la fondation Nobel en deux médailles neuves qui furent retournées à leur propriétaires.
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