Irréversible
Au risque de décevoir les bactérionautes cinéphiles, je ne parlerai pas dans ce billet du film où apparaît Monica Belluci, mais je parlerai plutôt de morue. Comment ça, “la différence est subtile”?
Tout commence avec un éditorial du magazine Pour la Science, intitulé “références glissantes”: l’auteur y expliquait que les dégradations de la nature, du climat, bien que fulgurantes à l’echelle géologique, étaient peu perceptibles à l‘echelle de la vie de l’homme, pourtant responsable de beaucoup de ces changements. Par exemple, le dauphin “commun” (Delphinus delphis) est devenu bien rare en méditerranée, et ça ne nous étonne pas, car ce déclin s'est étalé sur des siècles. Le dernier arbre de l’île de Pâques n’était probablement qu’une jeune pousse fauchée dans un champ (objet d’un billet à venir), alors que tous les Pascuans s’étaient progressivement habitués à une île de moins en moins boisée. Un autre exemple qui m’a frappé est la morue: l’auteur affirmait que les morues pêchées en Atlantique mesuraient un mètre en moyenne il ya un siècle, contre moins de trente centimètres aujourd’hui; effectivement, nous nous habituons à un océan progressivement vidé de ses poissons. J’interprétais donc ces chiffres (en admettant sur le moment qu’ils fussent vrais) comme un marqueur de l’intensité de la pêche : nous avons pêché et mangé la majorité des morues de plus d’un mètre, nous nous attaquons désormais aux morues plus jeunes. Or, dans les quelques endroits où des mesures de conservation ont été prises (le Labrador par exemple), les stocks de ce poisson stagnent à un niveau inquiétant. Des siècles avant, les premiers explorateurs écrivaient que la morue infestaient les eaux! Là encore, j’invoquais en mon for intérieur la fragilité d’une population aux effectifs réduits, explication qui fonctionne assez souvent.
J’ai commis un peché mortel qui ne me ressemble pas : oublier le rôle de l’évolution…
Je devais trouver la solution par hasard dans un livre que je viens de finir, intitulé “The making of the fittest” quis’intéresse aux effets de l’évolution à l’echelle de l’ADN. Au passage, ce livre est excellent pour tous les évo-sceptiques qui peuvent lire l’anglais… Les derniers chapitre traitent de la sélection “non naturelle” exercée par l’homme, en particulier sur la morue: du fait du tri des poissons pêchés (par les filets notamment), nous avons contre-selectionné les morues de grande taille, ce qui coïncide avec leur âge de reproduction. Progressivement, les morues sont donc devenues plus précoces dans leur développement (tout simplement parce que leurs parents précoces étaient épargnés par la pêche, et ont donc eu plus de rejetons), ce qui revient à dire (et il m’en coûte) que ma première interprétation était fausse! Les morues ne sont pas seulement plus petites car plus jeunes, elles sont aussi plus petites même adultes, car plus précoces du fait de la pression de sélection sévère exercée par la pêche. Bien sûr, ce ne sont pas que des hypothèses livresques, j’ai depuis trouvé d’autres publications (ici et là) qui valident les mêmes résultats.
En effet, une morue de trente centimètres à l’âge adulte n’est plus le super-prédateur qu’il était mesurant un mètre: combien de poissons ne peut-elle plus chasser alors! La morue n’a donc plus sa place au bout de la chaîne alimentaire, et il n’y a aucune raison pour qu’elle parvienne à faire le chemin évolutif inverse. Il se peut donc que les conséquences de la surpêche soient irréversibles, et qu'il ne suffise pas d'arrêter pour revoir les choses retourner tranquillement à leur état initial. L’auteur de l’éditorial dont il était question plus haut nous prédisait un océan “peuplé uniquement de bactéries et de méduses”. Des bactéries, soit, mais je déteste les méduses!
Tout commence avec un éditorial du magazine Pour la Science, intitulé “références glissantes”: l’auteur y expliquait que les dégradations de la nature, du climat, bien que fulgurantes à l’echelle géologique, étaient peu perceptibles à l‘echelle de la vie de l’homme, pourtant responsable de beaucoup de ces changements. Par exemple, le dauphin “commun” (Delphinus delphis) est devenu bien rare en méditerranée, et ça ne nous étonne pas, car ce déclin s'est étalé sur des siècles. Le dernier arbre de l’île de Pâques n’était probablement qu’une jeune pousse fauchée dans un champ (objet d’un billet à venir), alors que tous les Pascuans s’étaient progressivement habitués à une île de moins en moins boisée. Un autre exemple qui m’a frappé est la morue: l’auteur affirmait que les morues pêchées en Atlantique mesuraient un mètre en moyenne il ya un siècle, contre moins de trente centimètres aujourd’hui; effectivement, nous nous habituons à un océan progressivement vidé de ses poissons. J’interprétais donc ces chiffres (en admettant sur le moment qu’ils fussent vrais) comme un marqueur de l’intensité de la pêche : nous avons pêché et mangé la majorité des morues de plus d’un mètre, nous nous attaquons désormais aux morues plus jeunes. Or, dans les quelques endroits où des mesures de conservation ont été prises (le Labrador par exemple), les stocks de ce poisson stagnent à un niveau inquiétant. Des siècles avant, les premiers explorateurs écrivaient que la morue infestaient les eaux! Là encore, j’invoquais en mon for intérieur la fragilité d’une population aux effectifs réduits, explication qui fonctionne assez souvent.
J’ai commis un peché mortel qui ne me ressemble pas : oublier le rôle de l’évolution…
Je devais trouver la solution par hasard dans un livre que je viens de finir, intitulé “The making of the fittest” quis’intéresse aux effets de l’évolution à l’echelle de l’ADN. Au passage, ce livre est excellent pour tous les évo-sceptiques qui peuvent lire l’anglais… Les derniers chapitre traitent de la sélection “non naturelle” exercée par l’homme, en particulier sur la morue: du fait du tri des poissons pêchés (par les filets notamment), nous avons contre-selectionné les morues de grande taille, ce qui coïncide avec leur âge de reproduction. Progressivement, les morues sont donc devenues plus précoces dans leur développement (tout simplement parce que leurs parents précoces étaient épargnés par la pêche, et ont donc eu plus de rejetons), ce qui revient à dire (et il m’en coûte) que ma première interprétation était fausse! Les morues ne sont pas seulement plus petites car plus jeunes, elles sont aussi plus petites même adultes, car plus précoces du fait de la pression de sélection sévère exercée par la pêche. Bien sûr, ce ne sont pas que des hypothèses livresques, j’ai depuis trouvé d’autres publications (ici et là) qui valident les mêmes résultats.
Morue (Gadus morhua) ou cabillaud
En effet, une morue de trente centimètres à l’âge adulte n’est plus le super-prédateur qu’il était mesurant un mètre: combien de poissons ne peut-elle plus chasser alors! La morue n’a donc plus sa place au bout de la chaîne alimentaire, et il n’y a aucune raison pour qu’elle parvienne à faire le chemin évolutif inverse. Il se peut donc que les conséquences de la surpêche soient irréversibles, et qu'il ne suffise pas d'arrêter pour revoir les choses retourner tranquillement à leur état initial. L’auteur de l’éditorial dont il était question plus haut nous prédisait un océan “peuplé uniquement de bactéries et de méduses”. Des bactéries, soit, mais je déteste les méduses!
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