Séquestrer du CO2 pour enrayer le changement climatique
Le sujet d'aujourd'hui présente un immense avantage: il pourrait presque se passer d'introduction, tout ou presque est contenu dans le titre. Le changement climatique est l'enjeu environnemental du XXIème siècle (avec la biodiversité, rien que ça... on ne risque pas de s'ennuyer ces 92 prochaines années), et dans l'état actuel des connaissances, il semble bien qu'il prenne la forme d'un réchauffement global et que sa cause principale soit le dioxide de carbone (CO2) émis dans l'atmosphère par les activités humaines. Si l'on considère ce problème avec les yeux d'un ingénieur, la solution est très simple: puisque le CO2 pose problème, enlevons le CO2! Cette solution est moins naïve qu'il n'y paraît: même si nous faisions des efforts surhumains et cessions demain d'émettre du CO2 , sa teneur dans l'atmosphère et donc le climat mettraient des siècles à revenir à ce que nous avons été habitués à considérer comme la normale. De nombreuses idées ont donc vu le jour pour retirer à l'atmosphère ce CO2 excédentaire. Parmi l'ensemble des stratégies imaginables et imaginées, je m'arrêterai aujourd'hui à deux récents exemples qui me sont tombés sous les griffes à une journée d'écart, et ce par le plus grand des hasards.
Le premier, qui fait l'objet d'un article publié dans PNAS, consiste à injecter le dioxyde de carbone dans le basalte des fonds marins. Le basalte, c'est la roche qui provient de la lave des dorsales océaniques, lave qui résulte elle-même d'une fusion partielle du manteau terrestre. Le basalte est donc riche en éléments calcoalcalins, calcium (Ca), magnesium (Mg), mais aussi en fer (Fe), éléments qui ont le bon goût de pouvoir se lier aux ions carbonate CO32- qui proviennent du CO2 pour former des minéraux solides (respectivement la calcite, la magnésite et la sidérite). C'est là le principal mécanisme qui permet de stocker du carbone. Un autre avantage d'injecter du CO2 dans ces eaux profondes est que passé 2700 mètres, le CO2 dissous devient plus dense que l'eau de mer, et donc coule (oui, moi aussi je trouve ça pas intuitif), ce qui l'empêche de remonter intempestivement et limite l'acidification aux eaux profondes. De plus, les basaltes sont recouverts de sédiments marins sous lesquels serait injecté le CO2 , opposant donc une barrière "stratigraphique" supplémentaire à la remontée de ce dernier. Imaginant un tel projet prenant place sur la plaque Juan de Fuca au Nord-Ouest des Etats-Unis et évaluant le volume de bassalte accessible, les auteurs estiment qu'il permettrait le stockage du CO2 émis par les USA pendant 122 à 147 ans, au rythme actuel des émissions (soit 250 Gt de CO2). Il reste bien sûr à évaluer la faisabilité d'un tel projet (combien il coûterait, et surtout combien d'énergie il consommerait), l'impact environnemental de l'injection de dioxyde de carbone... mais compte tenu des avantages potentiels, les auteurs plaident pour la mise en place d'une installation pilote. Je vous propose de vous reporter à l'article pour en savoir plus sur les détails de ce projet, qui est un exemple parmi bien d'autres. Penchons-nous plutôt sur un deuxième exemple.
La seconde stratégie (merci encore à Louis pour l'info), incarnée par le projet Cquestrate, est un peu contre-intuitive: il s'agit d'abord de calciner du calcaire (CaCO3 et des poussières) pour obtenir de la chaux (CaO)... et libérer du CO2. Jusque là, c'est exactement ce que font les cimenteries, qui contribuent de manière non négligeables aux émissions de CO2! En effet, libérer rapidement dans l'atmosphère ces stocks de carbone fossiles que sont les hydrocarbures ou les calcaires, c'est tout un... ou presque: la calcination, elle, demande énormément d'énergie au lieu d'en fournir, donc émet encore plus de carbone. On se demande un peu où ils veulent en venir, et on attend la suite. L'idée est de relâcher cette chaux dans l'océan où elle piègera du carbone dissous (au passage, de la même manière que la chaux amende les sols, elle devrait relever le pH marin qui diminue précisément à cause du CO2...). Spontanément, j'aurais dit que la chaux se combinerait avec un ion carbonate (CO32-) pour reformer de la calcite solide (CaCO3), et ce pour un bilan nul. Or, au pH marin, le dioxyde de carbone dissous est en majorité présent sous forme d'ion icarbonate HCO3-; il semble donc que la formation de bicarbonate de calcium Ca(HCO3)2 soit privilégiée. La différence saute aux yeux: chaque atome de calcium que l'on a séparé d'un carbone lors de la calcination se retrouve par la suite lié à deux carbones. D'après les auteurs du projet, compte tenu de la coexistence de bicarbonate et de carbonate dans l'eau, un calcium se lie en moyenne à 1,79 molécules dérivées du CO2. On "gagne" donc 0,79 unités de carbone par unité de chaux obtenue. Personnellement, je ne suis pas convaincu par cette approche, qui me paraît trop simple pour être honnête, mais après tout, pourquoi pas? Il faudrait être bien certain que le bicarbonate de calcium est stable en solution dans l'eau de mer (surtout qu'il ne se transforme pas en calcite, annulant le bénéfice de l'opération), qu'il n'a pas de conséquence néfaste sur l'écosystème, que le carbone émis lors de la calcination ou du transport n'excède pas le carbone piégé par le processus, enfin que le tout est économiquement raisonnable, surtout aux prix actuels de l'énergie... C'est là qu'intervient une particularité interessante du projet: pour répondre à toutes ces questions, le projet est open-source. Si vous croyez au principe et que vous avez une idée sur la manière de produire de l'énergie dans un désert, sur quoi faire du CO2 produit lors de la calcination, sur l'endroit où larguer des tonnes de chaux sans dommage, "get involved". je vais observer ça de loin, je suis curieux de voir si la "séquestration de CO-2.0" fonctionne...
PS : on en parle ici aussi, mais avec pas mal d'imprécisions; en particulier, la chaux CaO n'est pas du carbonate de calcium (CaCO3)... Sans aucun rapport, je trouve que les polices d'over-blog sont mal adaptées aux indices et aux exposants.
Le premier, qui fait l'objet d'un article publié dans PNAS, consiste à injecter le dioxyde de carbone dans le basalte des fonds marins. Le basalte, c'est la roche qui provient de la lave des dorsales océaniques, lave qui résulte elle-même d'une fusion partielle du manteau terrestre. Le basalte est donc riche en éléments calcoalcalins, calcium (Ca), magnesium (Mg), mais aussi en fer (Fe), éléments qui ont le bon goût de pouvoir se lier aux ions carbonate CO32- qui proviennent du CO2 pour former des minéraux solides (respectivement la calcite, la magnésite et la sidérite). C'est là le principal mécanisme qui permet de stocker du carbone. Un autre avantage d'injecter du CO2 dans ces eaux profondes est que passé 2700 mètres, le CO2 dissous devient plus dense que l'eau de mer, et donc coule (oui, moi aussi je trouve ça pas intuitif), ce qui l'empêche de remonter intempestivement et limite l'acidification aux eaux profondes. De plus, les basaltes sont recouverts de sédiments marins sous lesquels serait injecté le CO2 , opposant donc une barrière "stratigraphique" supplémentaire à la remontée de ce dernier. Imaginant un tel projet prenant place sur la plaque Juan de Fuca au Nord-Ouest des Etats-Unis et évaluant le volume de bassalte accessible, les auteurs estiment qu'il permettrait le stockage du CO2 émis par les USA pendant 122 à 147 ans, au rythme actuel des émissions (soit 250 Gt de CO2). Il reste bien sûr à évaluer la faisabilité d'un tel projet (combien il coûterait, et surtout combien d'énergie il consommerait), l'impact environnemental de l'injection de dioxyde de carbone... mais compte tenu des avantages potentiels, les auteurs plaident pour la mise en place d'une installation pilote. Je vous propose de vous reporter à l'article pour en savoir plus sur les détails de ce projet, qui est un exemple parmi bien d'autres. Penchons-nous plutôt sur un deuxième exemple.
La seconde stratégie (merci encore à Louis pour l'info), incarnée par le projet Cquestrate, est un peu contre-intuitive: il s'agit d'abord de calciner du calcaire (CaCO3 et des poussières) pour obtenir de la chaux (CaO)... et libérer du CO2. Jusque là, c'est exactement ce que font les cimenteries, qui contribuent de manière non négligeables aux émissions de CO2! En effet, libérer rapidement dans l'atmosphère ces stocks de carbone fossiles que sont les hydrocarbures ou les calcaires, c'est tout un... ou presque: la calcination, elle, demande énormément d'énergie au lieu d'en fournir, donc émet encore plus de carbone. On se demande un peu où ils veulent en venir, et on attend la suite. L'idée est de relâcher cette chaux dans l'océan où elle piègera du carbone dissous (au passage, de la même manière que la chaux amende les sols, elle devrait relever le pH marin qui diminue précisément à cause du CO2...). Spontanément, j'aurais dit que la chaux se combinerait avec un ion carbonate (CO32-) pour reformer de la calcite solide (CaCO3), et ce pour un bilan nul. Or, au pH marin, le dioxyde de carbone dissous est en majorité présent sous forme d'ion icarbonate HCO3-; il semble donc que la formation de bicarbonate de calcium Ca(HCO3)2 soit privilégiée. La différence saute aux yeux: chaque atome de calcium que l'on a séparé d'un carbone lors de la calcination se retrouve par la suite lié à deux carbones. D'après les auteurs du projet, compte tenu de la coexistence de bicarbonate et de carbonate dans l'eau, un calcium se lie en moyenne à 1,79 molécules dérivées du CO2. On "gagne" donc 0,79 unités de carbone par unité de chaux obtenue. Personnellement, je ne suis pas convaincu par cette approche, qui me paraît trop simple pour être honnête, mais après tout, pourquoi pas? Il faudrait être bien certain que le bicarbonate de calcium est stable en solution dans l'eau de mer (surtout qu'il ne se transforme pas en calcite, annulant le bénéfice de l'opération), qu'il n'a pas de conséquence néfaste sur l'écosystème, que le carbone émis lors de la calcination ou du transport n'excède pas le carbone piégé par le processus, enfin que le tout est économiquement raisonnable, surtout aux prix actuels de l'énergie... C'est là qu'intervient une particularité interessante du projet: pour répondre à toutes ces questions, le projet est open-source. Si vous croyez au principe et que vous avez une idée sur la manière de produire de l'énergie dans un désert, sur quoi faire du CO2 produit lors de la calcination, sur l'endroit où larguer des tonnes de chaux sans dommage, "get involved". je vais observer ça de loin, je suis curieux de voir si la "séquestration de CO-2.0" fonctionne...
PS : on en parle ici aussi, mais avec pas mal d'imprécisions; en particulier, la chaux CaO n'est pas du carbonate de calcium (CaCO3)... Sans aucun rapport, je trouve que les polices d'over-blog sont mal adaptées aux indices et aux exposants.
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
S
M
I
S